Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/322

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plus urgente. Il paraît, en effet, que les Allemands ont considérablement renforcé leur aile droite et se préparent, suivant ce qui semble leur habitude, à entreprendre sur notre gauche leur effort principal. L’armée Castelnau quitte donc cette terre de Lorraine qu’elle a, depuis six semaines, arrosée de son sang ; elle va être transportée par chemin de fer de l’est à l’ouest ; elle laissera dans son ancien domaine un corps qui passera sous les ordres du général Dubail, commandant la 1re armée. Deux autres de ses corps, le XIVe et le XXe, seront transférés entre Amiens et Noyon et maintenus, avec le XIIIe, le IVe et le corps de cavalerie Conneau, sous le commandement du général de Castelnau. Ils seront chargés d’exécuter un mouvement offensif sur le flanc de l’ennemi et de prendre en travers, au nord de l’Aisne, les lignes stabilisées des Allemands. Il faut encore, dit Joffre, trois jours entiers pour achever le transport. La « décision », qu’on entrevoyait si prochaine, est donc encore retardée. C’est dire qu’on s’est trompé, lorsqu’on s’imaginait avoir imposé à l’ennemi, dans des conditions favorables pour nous, une nouvelle bataille, dont on avait, croyait-on, choisi l’heure et le lieu. L’ennemi s’est, en réalité, volontairement rétabli, pour ne pas continuer sa retraite. Il s’est cramponné à notre sol. Il est même possible qu’il renforce maintenant son aile droite comme nous renforçons notre aile gauche et que l’armée Castelnau, portée à l’ouest, y retrouve demain devant elle la 6e armée allemande, celle qu’elle combattait hier en Lorraine. À quel supplice de Sisyphe notre victoire ne nous laisse-t-elle pas condamnés !

Le G. Q. G. continue cependant à rédiger des