Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/323

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communiqués quotidiens d’un optimisme tellement outré que, si Millerand ne prenait pas le sage parti de les corriger et de les rogner, l’opinion publique serait chaque jour nourrie d’illusions nouvelles. Le ministre de la Guerre est, en outre, préoccupé de l’état de notre artillerie et de nos munitions. Notre matériel est très appauvri. On a fait, depuis le commencement de septembre, une consommation invraisemblable de projectiles de tous calibres, particulièrement de 75. La fabrication a été loin de marcher à la même cadence. Des mesures urgentes s’imposent. Soucieux de les accélérer, je demande à Millerand de me faire remettre le plus tôt possible des tableaux détaillés, indiquant pour l’armée de première ligne, active, réserves et dépôts, et pour l’armée de seconde ligne, territoriale et réserve de la territoriale, les « nécessaires, existants et manquants », par rapport aux effectifs, en pièces d’artillerie, mitrailleuses, fusils de 86, munitions, objets d’équipement, objets de campement, harnachement, chevaux, ainsi que des notes énumérant avec précision les moyens employés ou envisagés pour pourvoir à ces « manquants », production française et achats à l’étranger. Maintenant que la guerre paraît devoir se prolonger, c’est tout un ensemble de dispositions nouvelles que nous avons à prendre pour hâter la fabrication. Au rythme actuel, il n’y aurait plus de munitions de 75 que pour un mois.

Le général Joffre nous assure toutefois que la situation générale reste bonne. Nous avons pris un drapeau au sud de Noyon. Sur ce plateau de Craonne où Napoléon a vaincu les alliés il y a cent ans et quelques mois, nous avons essayé de recommencer l’histoire et, à la suite d’un vif engagement,