Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/340

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repoussé avec de grosses pertes. Parfait. Mais hier le colonel Pénelon m’annonçait que nous allions nous-mêmes prendre l’offensive au centre ; aujourd’hui, c’est nous qui sommes attaqués et qui nous défendons. À notre aile gauche, me dit Millerand, nous avons un peu progressé, mais l’ennemi ne cède pas. À notre aile droite, « la situation est inchangée », c’est-à-dire que les Allemands, qui ont traversé la Meuse à la sortie de Saint-Mihiel par le grand pont, n’ont pas été rejetés dans la ville. Que s’est-il donc passé pour qu’une telle échancrure se produisît tout à coup dans un front qui semblait si fortement garni ?

Le préfet de la Meuse me télégraphie : « Bombardement Sampigny a causé des dégâts insignifiants. Aucun au Clos. » Le Clos, c’est la propriété où sont réunis maintenant la plupart de mes souvenirs de famille. Mais puis-je songer, en ce moment, à ce qui nous touche, les miens et moi ? Je ne me fais, d’ailleurs, aucune illusion. Maintenant que l’armée allemande est installée au Camp des Romains, d’où elle peut choisir comme cible Sampigny et le Clos, ni mon village, ni ma maison ne seront épargnés. J’apprendrai plus tard, en 1918, à la libération de Saint-Mihiel, que des officiers ennemis se plaisaient à dire à mes amis de cette ville : « Ce matin, nous allons tirer sur votre Poincaré. »

La poste me communique un télégramme ainsi conçu : « Troyes, 25-9-14, 18 heures. Information, Paris. Allemands ont, à Nubécourt (Meuse), transformé en cabinets d’aisance concession mortuaire famille Poincaré, ont saccagé toutes maisons où était portrait Poincaré. » Cette nouvelle, telle qu’elle est présentée dans cette note de presse, ne m’est pas confirmée ; mais, d’après des renseignements