Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/347

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mes amis du barreau de Bordeaux, ce charmant Roy de Clotte, qui personnifie toutes les séductions de la Gironde, Habasque, Brazier, Bertin, bâtonniers d’hier et d’aujourd’hui. J’y ai été reçu par eux, ainsi que par leurs infirmières, dans les rangs desquelles se sont enrôlées Mmes Raymond et Lucien Poincaré. Là encore, j’ai constaté, au chevet des blessés, quel courage et quelle noblesse d’âme la France inspire, en ce moment, à ceux qui versent leur sang pour elle.

J’ai reçu le colonel d’artillerie Pellé, que le général Joffre a chargé de me renseigner à nouveau sur l’armement. Le colonel est moins pessimiste que le général Gaudin, mais il reconnaît, lui aussi, que les munitions de 75 font défaut et qu’il est impossible de maintenir la consommation au niveau actuel. Sur les 1 350 cartouches par pièce qui existaient au lendemain de la mobilisation, - y compris les 80 000 cartouches en éléments qui ont été montées, - 700 coups ont été dépensés en trente-cinq jours et ces trente-cinq jours correspondent à une période où l’on a moins consommé qu’aujourd’hui. Il ne reste actuellement que 450 coups par pièce. Il ne va donc pas suffire de forcer la production. On sera obligé de limiter l’action de l’artillerie et, au besoin, de réduire les batteries à trois ou à deux pièces. Mais quelles conséquences ! Le colonel Pellé affirme que le général Joffre vient seulement d’être renseigné sur les quantités consommées. Certains commandants de batterie ont été beaucoup trop prodigues, surtout de jeunes officiers que la mort de leurs chefs a brusquement placés à un poste dont ils n’avaient pas encore l’expérience.