Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/380

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kilomètres environ de Bordeaux, dans la traversée d’un village, une malheureuse vieille femme de soixante-quinze ans a été renversée par cette voiture et tuée sur le coup. Le colonel affirme qu’aucune responsabilité n’est imputable au mécanicien. J’envoie, tout de suite, un de mes officiers se renseigner, exprimer mes sympathies à la famille, qui est sans fortune, et secourir ces pauvres gens. Cette mort achève d’assombrir mon retour.

Dans la soirée, je reçois de M. Godin, maire de Sampigny, un télégramme où il m’informe que quarante-huit obus allemands de gros calibre, partis de notre fort du Camp des Romains, sont tombés aujourd’hui sur notre petite ville. Le but était, dit-il, de détruire ma maison du Clos. Elle a été atteinte plusieurs fois. La véranda qui donne sur la vallée et sur le bois d’Ailly est en miettes ; la façade nord-est est crevée ; le rez-de-chaussée, traversé de part en part, est démoli, avec les meubles qu’il contenait. Cette nouvelle nous laisse, Mme Poincaré et moi, presque indifférents. Si chère que nous soit cette propriété, où nous avons passé avec les nôtres tant de jours enchantés, comment notre pensée s’arrêterait-elle aujourd’hui plus d’un instant à ce chagrin personnel ?


Vendredi 9 octobre

Le général en chef a signalé en ces termes au ministre de la Guerre le bombardement du Clos : « Après le pillage et le vandalisme, les actes de goujaterie. Il n’a pas suffi aux Allemands de détruire la cathédrale de Reims : il y a quelque temps, ils avaient violé à Nubécourt la sépulture de famille de M. le président de la République et hier, des hauteurs de la rive droite de la Meuse,