Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/412

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de Belgique, mais il a donné à Foch des renforts successifs et il estime que, de ce côté, tout péril est écarté. Il viendra avec moi dimanche à Dunkerque et lundi à Furnes. Lord Kitchener m’a fait savoir qu’il serait heureux de se rencontrer avec lui, avec Millerand et avec moi.

L’après-midi, pour tâter un peu cette bourgeoisie boudeuse, dont m’a parlé avec tant d’insistance le préfet de la Seine, je vais à l’Académie française, en compagnie de mon ami Eugène Brieux, qui part dans un jour ou deux pour les États-Unis et à qui je remets une lettre d’introduction destinée au président Wilson. Il m’a prévenu que la Compagnie doit rédiger, cette après-midi même, une réponse au manifeste des « 93 intellectuels » allemands qui ont essayé de rejeter sur les Alliés la responsabilité de la guerre ; et plusieurs de mes confrères désireraient avoir mon sentiment sur le texte projeté. Je n’ai pas la moindre observation à présenter sur celui qu’on me lit. Il est l’œuvre d’Ernest Lavisse et la Compagnie l’accepte à l’unanimité : Marcel Prévost, qui accomplit, en ce moment, son service de capitaine d’artillerie dans le camp retranché, est venu en uniforme remplir son rôle de directeur et présider la séance. Pierre Loti, qui a repris lui-même, grâce à Gallieni, sa tenue d’officier de marine, nous apporte, dans cette paisible réunion, le concours de l’armée navale.

Quelques académiciens, dont je suis, avaient pensé qu’après l’invasion de la Belgique, l’élection d’un écrivain tel que Maeterlinck aurait, aux yeux de tous les peuples amis, une heureuse signification. Mais Lavisse me confie qu’Etienne Lamy et d’autres confrères sont opposés à cette