Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/524

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membre du gouvernement. C’est une nouveauté que certains esprits maussades jugeront peut-être incorrecte. Il est admis que le président de la République ne doit jamais s’absenter officiellement que sous le contrôle d’un ministre. Mais j’estime qu’à l’heure présente et jusqu’à la fin de la guerre, j’ai le devoir d’aller voir le plus souvent possible les troupes et les populations sinistrées. Aucun journaliste ne me suivra, aucun compte rendu ne sera publié, aucun discours ne sera prononcé, mais les soldats et les habitants des communes ravagées sauront que le chef de l’État ne se désintéresse pas d’eux. Je me suis donc entendu avec le préfet de la Marne, M. Chapon, pour aller demain à Reims.

J’ai retrouvé ce soir à la préfecture de Châlons le général de Langle de Cary, commandant de la 4e armée, et le général Dalstein. Le premier a reçu ce matin la visite de Joffre, qui lui a demandé s’il serait en état de prendre l’offensive vendredi ou samedi. Si ardent que soit de Langle de Cary, cette perspective ne le séduit pas. Il croit que mieux vaudrait encore attendre quelque temps. Il lui faudrait les engins de siège que nous commençons à fabriquer ; il lui faudrait aussi une latitude indéfinie pour la consommation des obus de 75. Il n’espère pas, d’ailleurs, que l’offensive donne de grands résultats. Les Allemands sont trop fortement retranchés pour que nous puissions obtenir une décision comparable à celle que nous a value la bataille de la Marne. On a eu tort à ce moment, dit-il, de ne pas poursuivre les ennemis à fond «t de laisser un repos de vingt-quatre heures à nos troupes. Bref, sur le passé et sur demain, le général de Langle de Cary fait, avec beaucoup de modération et de tact, des réflexions qui concordent entièrement