Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/530

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accablé de douleur. « Ce petit ! me dit-il, c’est lui qui a voulu partir. Il me répétait : « Le fils du Français qui a soutenu la loi de trois ans a le devoir de donner trois fois l’exemple. Quand on porte ton nom, papa, on se doit à son pays. » Je l’ai naturellement laissé faire. Mais je savais bien que je le donnais à la France. »

Après ce douloureux et amical entretien, je me rends à la présidence de la Chambre. Deschanel a été blessé avant-hier dans un accident d’automobile. Il est au lit, la tête encapuchonnée de bandages. C’est moi qui lui apprends la mort du pauvre Max Barthou. Il en est ému au point de verser des larmes. « Ah ! ces Allemands ! s’écrie-t-il. J’espère bien que nous ne les épargnerons pas. »

À la fin de la journée, je reçois et retiens à dîner, seuls avec MM. Viviani, Delcassé, Malvy et Ribot, trois ministres belges venus pour traiter avec le gouvernement français une question fort importante. Ce sont MM. de Broqueville, président du Conseil et ministre de la Guerre, Berryer, ministre de l’Intérieur, van de Vyvers, ministre des Finances. Ils demandent instamment à la France une avance de 7 ou 800 millions de francs pour ravitailler les populations civiles de la Belgique envahie. Pénible cas de conscience : accorder les crédits nécessaires, c’est faire pour les Belges ce que nous ne pouvons faire pour nos compatriotes des régions occupées et c’est, en outre, peut-être, ravitailler l’armée allemande elle-même ; refuser, c’est désobliger un peuple ami, auquel nous devons une reconnaissance infinie. M. Ribot trouve, malgré tout, que les premières raisons l’emportent sur la dernière. Les ministres belges lui répondent qu’ils ont obtenu l’assentiment de l’Angleterre et celui du général