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Vendredi 25 décembre

Celui de nos sous-marins qui porte le nom glorieux de Curie avait été envoyé à Pola par l’amiral Boué de Lapeyrère. Il vient d’y être coulé par des batteries de côtes et par des vapeurs autrichiens qui patrouillent à l’entrée de la rade. Le commandant et vingt-cinq hommes seraient prisonniers. Ce malheur réveille en moi le souvenir de Pierre Curie et de cette mort accidentelle, qui a stupéfié Paris il y a huit ans. Le destin aura beau s’acharner sur cette mémoire : il n’empêchera que ce soit en France que le radium a été découvert.

En même temps que la perte du Curie, j’apprends un autre sinistre naval, qui aurait pu être encore plus déplorable. Dans le canal d’Otrante, le Jean-Bart, qui m’a accompagné en Russie, a été torpillé par un sous-marin autrichien. La coque a été défoncée, mais, par bonheur, ni les compartiments étanches, ni les œuvres vives, n’ont été touchés, et mon brave Jean-Bart, blessé, presque éventré, est parti, à petite vitesse, pour l’île de Malte, où il espère reprendre haleine.

Sur notre front, nos offensives, qui devaient continuer pendant la journée de Noël, ont déjà fait place à une pénible défensive. Entre Berry-au-Bac et Bray-en-Laonnois, nous avons subi des attaques répétées de l’infanterie ennemie. En face de mon Clos dévasté, nous avons repoussé, tant bien que mal, dans le bois d’Ailly, un assaut des plus violents. En Argonne, nous avons dû résister aux Allemands qui se jetaient sur Saint-Hubert, sur Bagatelle, sur le bois de la Gruerie. Dans la région de Perthes et de Mesnil-les-Hurlus, nous avons eu à lutter contre des pressions formidables. Au nord de Sapigneul, les combats ont également été très