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RAYMOND POINCARÉ

sourd à cet appel. Il a décidé, vers cinq heures de l’après-midi, qu’il serait pris dans les cinq corps de couverture les mesures les plus étendues.

Peu de temps après, nous avions appris que l’Autriche venait de procéder à la mobilisation générale : Vienne, le 31 juillet 1914, 5 heures soir, reçu 19 h. 30. L’attaché militaire à ministre de la Guerre. Comme le faisait prévoir mon télégramme 122, l’ordre de mobilisation générale vient d’être donné aux armées austro-hongroises. Tous les hommes de dix-neuf à quarante-deux ans sont appelés. J’ai eu connaissance de cet ordre au ministère de la Guerre. Je n’ai rien pu apprendre au sujet des intentions de l’Allemagne… Ce premier télégramme, arrivé une heure avant celui qui nous annonçait la mobilisation générale russe, a été suivi d’un second, qui est arrivé à la même heure exactement que celui de M. Paléologue : Vienne, 31 juillet, 6 heures soir, reçu 20 h. 30. La mobilisation générale atteignant tous les hommes de dix-neuf à quarante-deux ans est décrétée par le gouvernement austro-hongrois. Mon collègue russe estime encore que cette mesure n’est pas nettement en contradiction avec les déclarations du comte Berchtold. Il suppose qu’au moyen de cette interposition des troupes à ses frontières l’Autriche cherche à obtenir une localisation forcée du conflit, mais il reconnaît que, par cette contrainte, le cabinet de Vienne risque de provoquer la crise qu’il prétend vouloir éviter. L’opinion à Vienne est qu’une conflagration générale est imminente…

M. Dumaine ne nous parle pas, lui non plus, de la mobilisation russe, et, en effet, elle n’est pas annoncée à Vienne, au moment où se décide la mobilisation générale autrichienne. Le télégramme du comte Szapary n’est pas encore arrivé et l’on ne sait rien de Pétersbourg. Dès le 30 au soir, avant de connaître la mobilisation générale russe, le général de Moltke avait insisté, de Berlin, au nom de l’État-major général allemand, pour que l’Autriche mobilisât immédiatement contre la Russie. « L’Allemagne elle-même mobilisera, ajoutait-il. Contraindre l’Italie, par des compensations, à remplir son devoir d’alliée. » Le plan des généraux allemands était donc aussi politique que militaire et on l’opposait, en tant que de besoin, à la diplomatie du « civil » Bethmann-Hollweg. Dans la matinée du 31, Berchtold réunit un Conseil et dit à ses collègues : « Je vous avais convoqués, parce que j’avais eu hier l’impression que l’Allemagne flanchait, mais nous avons maintenant, de sa plus haute autorité militaire, une assurance formelle. » Et il propose la mobilisation générale. L’ordre part de la chancellerie impériale à onze heures et demie du matin ; il est publié à midi, sans que personne à Vienne sache rien de la mobilisation russe.

Malgré toutes ces prises d’armes, sir Ed. Grey et le gouvernement français ne se lassent point de rechercher des arrangements pacifiques. Sir Francis Bertie remet au Quai d’Orsay une note relatant que le secrétaire