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RAYMOND POINCARÉ

tion « qui ouvre la possibilité d’une solution pacifique ». Il a ajouté que des considérations d’ordre technique ne lui permettent pas d’arrêter la mobilisation de l’armée russe ; que, d’ailleurs, cette mobilisation a été uniquement motivée par la mobilisation préalable de l’armée austro-hongroise et n’implique, de la part de la Russie, aucune intention agressive ; il a conclu, en donnant sa parole, que l’armée russe n’attaquera pas l’Autriche, tant que les conversations entre Pétersbourg et Vienne ne seront pas rompues. Paléologue.

Pétersbourg, 31 juillet, 19 h. 30, reçu 1er  août, 4 heures matin. Conformément au désir qui vient de lui être exprimé par mon collègue d’Angleterre, M. Sazonoff accepte de modifier ainsi sa formule : « Si l’Autriche consent à arrêter la marche de ses troupes sur le territoire serbe et si, reconnaissant que le conflit austro-serbe a assumé le caractère d’une question d’intérêt européen, elle admet que les grandes Puissances examinent la satisfaction que la Serbie pourrait accorder au gouvernement austro-hongrois sans porter atteinte à ses droits d’État souverain et à son indépendance, la Russie s’engage à conserver son attitude expectante. » Signé : Paléologue.

Ainsi, une fois encore, et malgré la mobilisation générale, la Russie se montre prête à négocier. À 2 h. 55 de l’après-midi, le Tsar a télégraphié à Guillaume II : Aussi longtemps que les pourparlers continueront avec l’Autriche au sujet de la Serbie, mes troupes ne se livreront à aucune action provocatrice. Je T’en donne ma parole solennelle. Moins d’une heure après, M. de Bethmann-Hollweg, sans, du reste, avoir déjà connaissance de ces assurances de Nicolas II, télégraphie à Pourtalès : Si, dans le délai de douze heures, la Russie n’arrête pas toute mesure de guerre contre nous et contre l’Autriche-Hongrie et ne nous fait pas une déclaration précise en ce sens, la mobilisation allemande sera proclamée. Ce télégramme part à 15 h. 30. Il parvient à Pétersbourg après onze heures du soir. Le comte de Pourtalès s’empresse de porter cet ultimatum à M. Sazonoff, au moment où sonne minuit. La Russie est donc avertie que, le 1er  août à midi, sera proclamée la mobilisation allemande, mais une mobilisation, même en Allemagne, ne s’opère pas en un jour, et la Russie peut croire encore que l’ère des négociations n’est pas close.

Un sujet qui, en cette affreuse journée du 31, aggravait encore les préoccupations du gouvernement français et de ses collaborateurs, c’était le contre-coup que pouvaient avoir en Belgique et en Luxembourg les mouvements militaires de l’Allemagne.

La Belgique ne savait pas encore, ce qu’elle devait apprendre beaucoup plus tard, que, dès le 26 juillet, l’ultimatum qu’elle allait recevoir avait été préparé par l’Allemagne, au moment où M. Viviani et moi, nous étions encore en pleine mer. Il avait été rédigé, à cette date, de la propre