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RAYMOND POINCARÉ

répandue ici, d’après laquelle des aviateurs français auraient jeté des bombes dans les environs de Nuremberg, n’a reçu jusqu’ici aucune confirmation. On n’a vu que des avions inconnus, qui ne ressemblaient pas à des appareils militaires. Le lancement des bombes n’est pas établi, et encore moins la nationalité française des aviateurs. À ce témoignage péremptoire, on peut ajouter la dépêche publiée le 3 août, de très bonne heure, par la Gazette de Cologne : Le ministère bavarois de la Guerre doute de l’exactitude de la nouvelle annonçant que des aviateurs auraient été vus au-dessus des lignes de Nuremberg, jetant des bombes sur la voie. Munich, 2 août.

La principale accusation présentée à l’appui de la déclaration de guerre était donc reconnue fausse vingt-quatre heures avant la démarche prescrite à M. de Schœn. La nouvelle d’un raid d’avion sur Wesel n’était ni moins inexacte, ni moins absurde.

Comme le remarque encore avec raison M. Viviani, si nous nous étions rendus coupables de ces incursions, comment M. de Jagow, lorsque M. Jules Cambon lui a remis, le 3 août, à neuf heures du matin, la protestation du gouvernement français contre les violations allemandes, n’a-t-il pas même eu l’idée d’excuser ses fautes par les nôtres ? Il ne dit rien.

Puis, un peu plus tard, M. Jules Cambon reçoit la visite du même Jagow halluciné par les avions de Nuremberg, et cherchant à faire prendre pour une conviction sa crédulité occasionnelle : Lundi matin, 3 août, à onze heures, télégraphie M. Cambon, M. de Jagow vient me voir et se plaindre d’actes d’agression qu’il prétend avoir été commis en Allemagne, à Nuremberg et à Coblentz notamment par des aviateurs français qui, d’après lui, seraient venus de Belgique.

Quelques faussetés, d’ailleurs, que contînt la note remise par M. de Schœn à M. Viviani, elle ne reproduisait pas toutes celles que renfermait le texte envoyé de Berlin. Le gouvernement impérial avait signalé à son ambassadeur, non seulement de prétendus vols d’avions, mais des incursions terrestres, par Montreux-Vieux et par la route de montagne des Vosges et, le 3 août, à 13 h. 5, au moment où partait le télégramme adressé à M. de Schœn, M. de Jagow affirmait sérieusement que des troupes françaises se trouvaient encore sur territoire allemand.

Pourquoi l’ambassadeur n’a-t-il pas utilisé ces renseignements dans sa lettre ? En soupçonnait-il le caractère fantaisiste ? Il a expliqué dans ses mémoires que le télégramme était arrivé brouillé et n’avait pu être complètement déchiffré, et cette explication a donné lieu à des suppositions diverses. Elle a paru très contestable à M. Aulard, qui a fait une étude technique approfondie du « brouillement » dénoncé et qui en a démontré l’invraisemblance. J’ajoute qu’en tout cas, à cette date et