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RAYMOND POINCARÉ

bruyamment encore. Il adresse à François-Joseph une lettre personnelle d’encouragement à l’action.

Ainsi, aux feux d’artifice des fêtes parisiennes, Vienne et Berlin répondent par des préparatifs de guerre contre le petit peuple que deux grands Empires se sont juré d’écraser. Mais le bruit lointain des fusils qui se chargent n’arrive pas jusqu’à nous.

Le mercredi 15 juillet, des divergences de vues entre le Sénat et la Chambre imposent encore de nouvelles « navettes » à ce budget de 1914 qui devrait être voté depuis plus de six mois et qui contient, incorporées dans la loi de finances, les dispositions essentielles d’un impôt général sur le revenu. L’accord se réalise enfin. J’achève la soirée un peu mélancoliquement avec ma femme que préoccupe mon lointain voyage et qui se propose d’aller attendre mon retour dans la Meuse, chez mon frère et sous les ombrages de Sampigny. Je pars à onze heures et demie du soir par la gare du Nord, où tous les ministres se sont réunis pour me présenter leurs adieux et leurs souhaits. Quoique l’heure de ce départ n’ait pas été annoncée, un assez grand nombre de curieux se sont massés aux abords de la gare et sur les quais. Eux aussi, ils me témoignent leurs sympathies par des vivats. Aucun d’eux, ni de nous, ne pressent les journées d’anxiété que nous allons vivre. Je monte dans le train présidentiel avec M. Viviani, qui m’accompagne en Russie, et avec M. Gauthier, ministre de la Marine, qui doit nous conduire à bord et prendre congé de nous en rade de Dunkerque.