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RAYMOND POINCARÉ

prenne « les contre-mesures militaires les plus étendues ». C’est aujourd’hui qu’à Potsdam, dans l’après-midi, l’Empereur a reçu le chancelier, le ministre de la Guerre Falkenhayn, le chef d’État-major Moltke, et ensuite les autorités navales. Les militaires ont exprimé le vœu de pouvoir proclamer immédiatement « le danger de guerre menaçant », qui équivaut à la mobilisation, mais le chancelier a obtenu qu’on se bornât, pour le moment, à la protection militaire des voies ferrées et à quelques autres dispositions préparatoires : rappel des permissionnaires, construction de places d’armes dans les forteresses, bref des décisions comparables à celles que pouvait comporter la « prémobilisation » russe. C’est aujourd’hui encore que M. de Jagow fait adresser par courrier spécial au ministre d’Allemagne à Bruxelles, M. de Below, le texte, rédigé par Moltke lui-même depuis le 26, de l’ultimatum qui, à un jour ultérieurement désigné, devra être remis à la Belgique. C’est aujourd’hui que tard dans la soirée, à son retour de Potsdam, le chancelier mande sir Ed. Goschen et essaye de lui arracher une promesse de neutralité de l’Angleterre. « Nous assurons votre gouvernement, lui dit-il, que, s’il garde la neutralité, l’Allemagne, même en cas de guerre victorieuse, ne recherchera pas en Europe, aux dépens de la France, des compensations territoriales. » En d’autres termes, l’Allemagne se contentera de nos colonies. C’est aujourd’hui que le télégramme où, de son propre mouvement, le Tsar proposait à Guillaume II de soumettre le problème austro-serbe à la conférence de La Haye, étant parvenu à Potsdam à 20 h. 42, l’empereur d’Allemagne l’a annoté d’un refus méprisant ; et c’est cette nuit même que Bethmann-Hollweg a télégraphié à Pourtalès : L’idée de la conférence de La Haye sera naturellement écartée. C’est cette nuit que, l’Autriche n’ayant pas répondu aux propositions russes d’entente directe, le chancelier d’Allemagne a cru prudent, pour rassurer l’Angleterre, de télégraphier à Vienne : La Russie se plaint que les conversations n’aient continué, ni par l’entremise de M. de Schebeko, ni par celle du comte de Szapary. Nous devons, en conséquence, pour éviter une catastrophe générale ou, en tout cas, pour mettre la Russie dans son tort, désirer instamment que les conversations commencent et se continuent. C’est cette nuit, enfin, à 21 heures et quelques minutes, qu’est arrivé à Berlin un télégramme où le prince Lichnowsky annonce une nouvelle et suprême tentative de sir Ed. Grey. Le secrétaire d’État britannique insiste pour que l’Allemagne accepte une médiation. Il fait un grand pas vers la thèse allemande. Il concède que l’Autriche occupe Belgrade ou d’autres villes serbes, mais il demande qu’ensuite elle fasse connaître ses intentions. Il ajoute, pour donner à réfléchir à l’Allemagne, que, si celle-ci venait à être entraînée dans un conflit avec la France, le gouvernement britannique pourrait se voir,