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hypothèses cosmogoniques

On sait que la vitesse qui correspond à la trajectoire circulaire est à la vitesse parabolique dans le rapport de 1 à . La force vive d’un météore qui tombe sur le Soleil par spirales de plus en plus serrées est donc deux fois moindre qu’elle ne serait, si le même météore tombait en ligne droite de l’infini. Il faudra donc, dans l’hypothèse actuelle, deux fois plus de matière pour produire le même effet. Au lieu d’admettre que la pluie météorique augmente le rayon du Soleil de 10 mètres par an, il faudra admettre qu’elle l’augmente de 20 mètres, soit une augmentation de 1 kilomètre en 50 ans. À ce taux le diamètre apparent du Soleil croîtrait de 1″ d’arc en 4 000 ans, ce qui, bien entendu, est tout à fait inappréciable.

On peut penser que la lumière zodiacale est constituée par un tel essaim de météores ; ces météores tombant peu à peu sur le Soleil, entretiendraient sa chaleur. En attribuant à la lumière zodiacale une masse égale à cent fois celle de la Terre, on trouve que la chute de sa matière sur le Soleil pourrait entretenir le rayonnement de cet astre pendant 4 700 ans, chiffre bien faible.

Lord Kelvin se demande aussi quel effet la chute de ces météores produit sur la rotation du Soleil. Si l’on admet, dit-il, que les météores se meuvent tous dans le sens direct et dans le plan de l’équateur solaire, on trouve que la durée de leur révolution est devenue moindre que 25 jours, lorsque leur orbite n’a plus pour rayon que le rayon du Soleil ; par conséquent, en tombant tangentiellement sur le Soleil, ces météores doivent augmenter sa rotation. Lord Kelvin voit là une origine possible de la rotation du Soleil[1], car cet astre aurait pu acquérir ainsi en 25 000 ans sa vitesse de rotation actuelle. Mais rien ne prouve que les météores circulent tous dans le même sens, ni qu’ils soient orientés dans un même plan.

144.Une grave objection à la théorie météorique telle que nous venons de l’exposer vient de l’étude spectroscopique. Un météore arrivant à toucher le Soleil se volatilise, mais il conserve néanmoins son énorme vitesse orbitale. D’après le principe de Döppler-Fizeau, ce phénomène devrait se traduire par un déplacement des raies

  1. Rappelons que, dans la théorie de Laplace, c’était plutôt la rotation solaire qui était primitive par rapport à la révolution des planètes. Ici ce serait, au contraire, la révolution des corpuscules qui aurait engendré la rotation de l’astre central.