Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/50

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Mais c’est du côté opposé, du côté de la Nature, qu’il faut diriger le gros de notre armée.

Là nous rencontrons le physicien ou l’ingénieur qui nous disent : « Pourriez-vous m’intégrer telle équation différentielle ; j’en aurais besoin d’ici à huit jours en vue de telle construction qui doit être terminée pour cette date. » « Cette équation, répondons-nous, ne rentre pas dans l’un des types intégrables ; vous savez qu’il n’y en a pas beaucoup. » Oui, je le sais, mais alors à quoi servez-vous ? » Le plus souvent, il suffirait de s’entendre ; l’ingénieur, en réalité, n’a pas besoin de l’intégrale en termes finis ; il a besoin de connaître l’allure générale de la fonction intégrale, ou simplement il voudrait un certain chiffre qui se déduirait facilement de cette intégrale si on la connaissait. Ordinairement on ne la connaît pas, mais on pourrait calculer ce chiffre sans elle, si l’on savait au juste de quel chiffre l’ingénieur a besoin et avec quelle approximation.

Autrefois, on ne considérait une équation comme résolue que quand on en avait exprimé la solution à l’aide d’un nombre fini de fonctions connues ; mais cela n’est possible qu’une fois sur cent à peine. Ce que nous pouvons toujours faire, ou plutôt ce que nous devons toujours chercher à faire, c’est de résoudre le problème qualitativement pour ainsi dire, c’est-à-dire de chercher à connaître la forme générale de la courbe qui représente la fonction inconnue.