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viii
préface

gnant. Des sanglots parfois l’étouffaient ; parfois sa voix se faisait douce et caressante, parfois dure et vengeresse.

Voici le discours étrange de Mme Riel :

« J’ai une plaie profonde au cœur… Mon enfant… mon enfant ne reviendra pas !… mon enfant sur l’échafaud !… Louis Riel, mon martyr !

« Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que je souffre ! Il y a des jours où je voudrais me voir loin, bien loin, seule au milieu du bois. Mon cœur est bien malade.

« Mon enfant ! ils ont pris mon enfant !… Il y en a qui se taisent quand ils souffrent ; mais pour moi, ce n’est pas possible, il faut que je parle, il faut que je crie ma peine !… Je souffre… Parfois je dis au bon Dieu : « La mort ! la mort ! » Mais il n’est pas temps…

« Pauvre enfant !… Il y a une chose qui me pèse sur le cœur ; c’est mon remords : je l’ai grondé une fois. Lui qui était si bon pour moi, je l’ai grondé, et il m’a dit : « Maman, pourquoi me grondez-vous, vous, ma « seule consolation ? » Il n’avait que moi pour le consoler, et je l’ai grondé !

« Pour le perdre, ils ont dit qu’il ne faisait pas sa religion. Je le sais, moi, qu’il la faisait, et je le prouverai un jour, au ciel ! À tous ceux qui viendront me dire cela, je leur répondrai : « C’est un mensonge ! » Je n’en excepte pas un seul ! À n’importe qui ! n’importe qui ! Je suis une femme, mais j’ai ma conscience pour moi. J’ai la vérité, moi !

« Il y en a qui sympathisent avec moi, là-bas ; mais ici, il n’y a personne… Ceux qui sont contre mon enfant, malheur à eux ! Malheur ! Malheur !…

« —
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« — Mon préféré ?… Je n’ai pas de préféré parmi mes enfants. Mais, quand il y en a un qui souffre, je suis avec lui.

« —
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