Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
indignations et enthousiasmes

et qui est située non loin des berges de la rivière à dix milles au sud de Batoche.

La nuit seule put calmer l’effervescence qui, à partir de ce moment, régna aux abords du gué de Batoche.

Mais le lendemain, de bonne heure, par une assez jolie matinée printanière, un grand nombre de Métis se portèrent vers l’église Saint-Laurent, où une messe devait être célébrée avant le départ des combattants.

À l’issue de la cérémonie, le prêtre prit la parole pour exhorter les combattants à ne pas oublier que le fait de lutter pour une juste cause leur faisait plus rigoureux que jamais le devoir de se conduire en chrétiens… Puis, la bénédiction reçue, la foule des Bois-Brûlés se répandit au dehors…

Henry de Vallonges devait se souvenir toute sa vie de l’émouvante minute où la face de Louis Riel, à la fois souffrante et inspirée comme celle d’un prophète, émergea au-dessus de cette foule qu’il allait haranguer, près du drapeau blanc aux fleurs de lis. Il savait déjà que ces demi-Français, traditionalistes, une fois la lutte décidée, avaient, d’un geste touchant et fier, arboré, en face du drapeau anglais, le drapeau de Montcalm et de l’ancienne France. Pour la première fois, il se trouvait en face de lui et, tout habitué qu’il fût à saluer sa patrie dans un beau frissonnement vivant et tricolore, il se sentit pénétré d’un immense respect attendri pour ce témoin de nos gloires passées, pour cet emblème vénérable et pâle, impressionnant comme un fantôme…