Le jeune homme secoua négativement la tête :
— Alors, pourquoi n’es-tu pas rentré ? Tu sais ben que ton frère cadet est blessé ?
— Je le sais…
Et, ce disant, une expression étrange mélangée de douleur et de colère passa sur la face ramassée de l’aîné des La Ronde.
Sans y prendre garde, le père continua :
— Oui, mais t’as p’têtre idée qu’il a été frappé d’une balle anglouaise… Eh ben ! non, c’est par derrière… un traître…
— Un traître ? Non, père, un justicier…
La voix de Pierre était grave, sa figure si résolue et si calme à la fois, que Baptiste, tout en le regardant avec les yeux interrogateurs d’un homme qui ne comprend pas, se sentit singulièrement impressionné.
— Un justicier ! reprit le jeune homme avec plus de force… Et c’est « moué », t’entends ! moué… son frère, qui a tiré su’le cadet… Et c’est lui qui était un Judas, car il voulait nous livrer aux Anglouais.
— T’es fou ! s’écria le père éperdu… Qu’est-ce que tu me contes là ?
— La vérité !… Aussi vrai qu’y a un bon Dieu qui nous jugera un jour, Jean est un traître, t’entends ! un traître qui s’acoquinait avec nos ennemis…
— Tu mens ! tu mens ! Tout ça, c’est des menteries !
Bouleversé, suffoqué comme s’il eût reçu un soufflet, Baptiste serrait les poings, et les paroles sortaient sifflantes de sa gorge contractée.
Mais, aussi blême que lui, sa longue cicatrice