Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
un interrogatoire mouvementé

su’ ton frère sans que tu t’en avises… Et puis, si t’as pas de preuve à sa décharge, on en a contre lui, nous autres ! Regarde cette balle. Trim l’a retirée du corps de ton cadet. Oui ou non, est-ce une balle de rifle canadien ?

— C’en est une…

— Alors, je ne vois pas trop ce que tu nous répondras quand on t’aura dit qu’il n’y avait de ce bord des tranchées que le Loucheux à posséder un rifle de cette sorte. J’ai enquêté là-dessus hier, et tous nos gens en sont sûrs. Toi-même, Pierre, tu dois te souvenir de ceux qui étaient de ton bord. Sauf celui-ci, ils avaient tous des winchesters

Pierre, confondu, se taisait.

Deux jours auparavant, son père, anéanti par les terribles révélations qu’il lui avait faites, n’avait pas eu le loisir de préciser ses accusations contre Pitre-le-Loucheux.

C’était donc la première fois que le jeune homme entendait parler de cette histoire de balle retrouvée. Il avait cru, jusqu’alors, qu’il lui serait assez facile, grâce à un témoignage favorable, de décharger l’Indien. Maintenant, il comprenait toute la gravité de la situation pour cet homme.

Pourtant, le sort du Peau-Rouge dépendait encore de lui.

Pour le sauver, il n’avait qu’à dire la vérité : il n’avait qu’à raconter comment, à la Coulée de Tourond, dans la tranchée, il avait été amené à se servir du fusil du Loucheux. C’était très simple : sa carabine avait été brisée par une balle anglaise, et le Loucheux, déjà plus que gris, se trouvait inca-