Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
3
présentations

blancs, les rudes et entreprenants « coureurs des bois » français, venus, il y a plus d’un siècle, dans ces solitudes.

L’hiver touchait à sa fin ; on était au soir du 26 mars 1885 ; la neige n’allait guère tarder à fondre désormais et, selon l’expression canadienne, à « pourrir » le sol des immenses plaines du Nord-Ouest, quoique les lacs qui les constellent demeurassent durs comme des chemins, et que sur les grands cours d’eau qui s’y ramifient, rien n’annonçât encore la prochaine débâcle des glaces.

Le jour baissait rapidement, et le froid s’accroissait à mesure. Mais les demi-blancs ne paraissaient guère s’en soucier et conversaient toujours avec la même animation autour des bâtiments où étaient encore attachés les chevaux maigres et nerveux des éclaireurs indiens porteurs de la bonne nouvelle qui remuait depuis un moment le village.

Il y avait à peine quelques jours que le pays de la Saskatchewan était en état d’insurrection contre le Gouvernement anglo-canadien. Comme pour mettre un comble à d’incessantes vexations, ne venait-il pas de vendre à des sociétés de colonisation et à des syndicats agricoles une paroisse métisse tout entière, celle de Saint-Louis-de-Langevin, avec l’église, l’école, les habitations particulières et les terres cultivées qui en dépendaient ! À cet inqualifiable procédé, les expropriés avaient répondu en se soulevant en masse pour faire valoir leurs droits les armes à la main… Et voilà que les gens de Batoche apprenaient qu’un groupe de leurs frères, sous les ordres de Gabriel Dumont, chef