Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
les arpents de neige

respecté d’une colonie de deux cents familles, venait de s’emparer du poste anglais du « Lac-aux Canards », obligeant les troupes de la police montée à abandonner précipitamment sur le terrain des morts et des blessés, plus de cinquante fusils et une dizaine de chevaux…

— Ne trouvez-vous pas que ça commence à faire « frette », M’sieu le vicomte ? demanda le vieillard basané à un homme d’une trentaine d’années à peine, dont le teint clair tranchait sur les faces hâlées qui l’entouraient.

L’interpellé répondit d’une façon affirmative, et un autre, un grand et fort gaillard Bois-Brûlé à coup sûr, celui-là — ayant ajouté, dans son parler pittoresque, « qu’on pourrait p’t-être ben virer de bord » maintenant qu’on savait à quoi s’en tenir, tous trois s’éloignèrent côte à côte en conversant.

Un instant après, ils s’arrêtaient devant la porte d’une maison de bois de proprette apparence. La première pièce dans laquelle ils pénétrèrent n’était pas très grande, et un Anglais eût sûrement trouvé qu’elle manquait de confortable : un poêle incandescent, des sièges grossiers et deux coffres en composaient tout l’ameublement : mais la flamme tremblotante d’une chandelle fit bientôt sortir de l’ombre quelques « robes » de bisons à demi déroulées dans un coin, deux ou trois peaux d’ours et de renards et un véritable arsenal d’engins de pêche, de raquettes à neige, de hachettes et de carabines…

Le grand et fort métis, un homme de quarante cinq à quarante-six ans, à la figure sympathique,