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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/183

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les arpents de neige

P. Cochin, qui n’eut jamais, au reste, qu’à se louer de la conduite du chef à son égard.

L’arrivée de Trim le guérisseur changea le cours des idées de Vallonges. Il songea immédiatement à Jean, puis au Loucheux, qu’une décision assez inattendue de Gabriel Dumont avait déchargé, la veille au soir, de l’accusation qui pesait sur lui : la blessure de Jean La Ronde, selon le chef Métis, devait être attribuée à une maladresse de l’Indien et à une imprudence de la victime…

Cette solution n’était pas de nature à satisfaire Trim, fort rancunier de sa nature ; sur ce sujet, il ne tarissait pas et confiait à tout venant sa désillusion. Il ne manqua pas de s’arrêter devant le Français :

— Voyons, M’sieu le vicomte, c’est-y ben pensé ? Un sauvage aussi mauvais, aussi chucottant, v’savez ben… l’avouère laissé aller !… On ne m’ôtera pas ça de l’idée à moué un vieux « métif » qui connaît ben les « gensses »… non : on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il en avait contre Jean La Ronde et qu’il a tiré dessus comme su’un carcajoux… Ah ! y a quéque chose là-dessous, ben sûr…

Les petits yeux encore vifs de Trim-médecine luisaient dans sa figure d’un brun sale assez semblable à celle d’une vieille femme ridée. Il se frotta le menton et reprit sans tarder :

— Et aussi, M’sieu le vicomte, croyez ben que j’suis pas le seul à dire ça… Tenez : y a François, le vieux François qui jase là à deux pas de nous… eh ben ! y n’est pas d’humeur plaisante non plus depuis qu’on a laissé aller le Loucheux.

Sur ce point, le Français était tout aussi bien