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présentations

ayant inspecté d’un rapide coup d’œil le râtelier d’armes, observa d’un air mécontent :

— Avec tout ça, Jean n’est pas encore de retour… C’est pourtant pas le moment de courir la « dérouine » dans les plaines… Y a beau temps qu’il devrait être à couvert.

Un par un, les autres habitants de la maison rentrèrent, et bientôt tout le monde fut réuni autour du poêle ronflant.

Cette famille d’honnêtes trappeurs et trafiquants de la prairie comptait parmi les plus considérées de Batoche. L’aïeul, François La Ronde, qui avait passé la moitié de sa vie parmi les Indiens, était un septuagénaire très vert et dont le « coup de fusil » valait encore, presque, l’expérience et les conseils. Il s’était retiré définitivement, depuis quelques années, dans le « log-hut » qu’il possédait, et il vivait là, tranquillement, avec son fils Jean Baptiste, pourvoyeur à la Compagnie de la baie d’Hudson, la femme de ce dernier et leurs cinq enfants : deux filles et trois garçons, de beaux et robustes jeunes gens de seize à vingt-deux ans dont ils étaient fiers.

Depuis plus de deux semaines pourtant, Jean, le cadet, était absent, mais le nombre des hôtes habituels de la maison n’en était pas diminué à cause de l’arrivée récente chez les La Ronde de ce personnage blond, dont le regard franc et bleu, le teint clair, la longue moustache un peu tombante à la gauloise, décelaient la pure origine européenne. Bien que vêtu à peu près comme les métis et, comme eux, guêtré de laine, chaussé de