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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/194

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hésitations

tête-à-tête avec son père, et leurs regards mêmes se fuyaient.

Quant au vieux François, il ne paraissait pas très satisfait non plus des gens et des choses ; ses lèvres rasées se distendaient plus rarement pour sourire et parfois même une étrange expression de sévérité, de dureté presque, altérait, pour un instant, le caractère de cette physionomie ordinairement toute pétrie de malicieuse bonhomie.

Henry de Vallonges se sentait vaguement oppressé par la lourdeur presque orageuse de cette atmosphère familiale. Mais il attribuait cette impression à la présence d’un blessé et surtout à la sourde anxiété qui, pour tous, naissait de l’imminence de graves événements.

Seules, la mère et les sœurs de Jean, tout à leur dévouement vis-à-vis de lui, ne semblaient guère s’apercevoir du malaise qui régnait autour d’elles. Leurs soins assidus étaient, d’ailleurs, couronnés de succès, et le jeune homme se rétablissait avec une rapidité incroyable.

Les Métis, comme les Indiens, jouissent, en effet, d’une résistance merveilleuse aux blessures dont ils guérissent avec une facilité qui nous stupéfie ; là où deux longs mois de soins sont nécessaires au blanc, un mois à peine suffit à remettre sur pied le Peau-Rouge, soumis, d’ailleurs, à un traitement rudimentaire, mais efficace, dont les simples font généralement les frais.

Un jour, Pierre se départit de la réserve qu’il avait jusque-là gardée vis-à-vis de son père : profitant d’un moment de solitude, il l’entretint des