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les arpents de neige

mocassins, celui-ci n’en demeurait pas moins l’homme d’un autre milieu : le vent de la prairie n’avait pas encore hâlé ses joues, et ses moindres façons gardaient l’empreinte d’une éducation raffinée que ses compagnons semblaient reconnaître, car, lorsqu’il prenait la parole, ils l’écoutaient avec une déférence assez sensible.

Deux coups secs frappés à l’huis interrompirent la conversation :

— P’têtre le cadet qui s’en vient ! dit tranquillement un des fils en allant tirer les barres.

Mais quand la porte fut ouverte, au lieu de la silhouette élancée du second des fils La Ronde, on aperçut une forme indécise sur le seuil.

— Bonsoir ! prononça d’une voix forte et bien timbrée, en s’avançant dans la salle, un homme engoncé dans un capot de fourrure.

À sa vue, tout le monde se leva. Des exclamations de bienvenue retentirent… Tout en serrant les mains tendues vers lui, le nouveau venu enveloppa d’un coup d’œil vif celui qu’il ne connaissait pas, le grand garçon au teint clair. Il prononça en même temps quelques mots dans l’idiome harmonieux et sonore des Indiens Cris, familier aux métis, et le vieux François, avec son air à la fois rude et paterne de loup de mer, en profita pour lui répondre, en désignant de la main le jeune homme blond :

M’sieu n’entend pas le parler des sauvages : c’est un « Françâ de France », qui vient tout « dret » du « vieux pays ».

À cette présentation sommaire, la figure du nou-