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les arpents de neige

qu’ils fussent cent quarante et nous moins d’une trentaine, nos frères ont obligé le major Crozier à la retraite en lui tuant ou lui blessant vingt-trois hommes. Nous avons perdu seulement quatre des nôtres dans cette affaire, et Gabriel Dumont a été atteint à la tête… sans gravité, heureusement ! Pourtant, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je viens d’apprendre que sir John MacDonald envoie contre nous le 90e carabiniers de Winnipeg avec des canons… Cette guerre est un grand malheur, mais le ciel nous est témoin que c’est eux qui l’ont voulue !

Un court silence accueillit ces paroles. Puis François, résumant le sentiment général, déclara :

— On est tous parés !

Autour de lui, Jean-Baptiste et ses fils approuvaient de la tête, les yeux brillants.

— Il y a, reprit Riel, une chose pour laquelle je suis venu vous trouver. Vous savez que les sauvages veulent s’en mêler. Nous avons déjà dans nos campements de la rivière Du Pas[1] les meilleurs batteurs d’estrade de Poundmaker, du Mosquito, du Faisan-Rouge. Quant à Grand-Ours[2], il n’attend plus qu’un signe pour se mettre en campagne à la tête de ses guerriers… Mais j’ai d’abord hésité à leur adresser des messages, car vous savez que les convertis eux-mêmes ne se conduisent guère en chrétiens une fois sur le sentier de la guerre…

  1. Nom parfois donné par les métis à la branche septentrionale de la Saskatchewan.
  2. Ou, plus exactement : Gros-Ours : en anglais Big-bear. On le connaissait aussi sous le sobriquet de « Barbu ».