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présentations

Le chef des Métis s’interrompit. Une expression d’extraordinaire mélancolie se répandit un instant sur ses traits. Il reprit d’une voix assourdie :

— C’est qu’eux aussi sont poussés à bout par les agents du Gouvernement. Ah ! ce sont bien nos frères de sang et de malheur ! De toute manière ils se révolteront. Il est donc préférable qu’ils combattent avec nous ; nos efforts, notre exemple, les retiendront peut-être… François, il te faudra aller demain à la réserve des Cris. J’ai songé à toi parce que tu es un vieux trappeur qui connais le Grand-Ours et les autres mieux que personne. Tu leur porteras ceci.

Louis Riel désignait le volumineux paquet déposé près de lui et d’où s’exhalait une odeur caractéristique : mais pour un colon du Nord-Ouest une bombe à la dynamite n’eût sans doute pas semblé plus terrible que ce simple paquet de tabac dont l’envoi aux chefs des tribus devait être le signal de la guerre indienne.

Le vicomte, cependant, sentait dans ce milieu orageux se réveiller les instincts combatifs qu’il tenait de ses ancêtres.

En 1759, un Vallonges, qui servait au Canada, était tombé frappé d’une balle anglaise sous les murs de Québec, aux côtés de Montcalm. Peut-être revivait-il en lui quelque chose de cet aïeul. Elle avait, de tous temps, exercé sur lui une attraction étrange, cette terre lointaine. Aussi, dès que la mort de son père l’eut mis en possession d’une part d’héritage fort considérable, il était parti… Et c’était moins, en dépit de ses affirmations, pour