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les arpents de neige

tenter des expériences d’élevage que pour obéir à une sorte d’instinct aventureux qu’il s’exilait ainsi, laissant à son frère cadet la propriété de la gentilhommière familiale en Basse-Normandie. Muni, d’ailleurs, de lettres de recommandation pour diverses familles de Québec et de Montréal, il était sûr d’être bien accueilli par la société franco-canadienne, si fière de ses origines, si attachée à ses souvenirs.

Mais il ne se doutait guère alors qu’il trouverait aussi, en un coin de ce vaste pays, des gens simples issus de Français et d’Indiens, si proches, par certains côtés, de ses compatriotes de la Basse Normandie qu’il avait parfois l’illusion, lorsqu’ils s’exprimaient dans leur langage archaïque, d’entendre patoiser des fermiers de chez lui.

Un mois passé à Québec et deux autres à Montréal lui avaient suffi, car, depuis qu’il était question de ces Métis, dont les négociations avec le Gouvernement commençaient à préoccuper l’opinion, il ne rêvait plus que de gagner les territoires presque sauvages du Nord-Ouest. Et voilà comment, malgré les conseils de ses amis de Montréal, en plein hiver, en dépit d’un froid intense et de routes presque impraticables, il était parti en compagnie d’un marchand de pelleteries, pour le district de la Saskatchewan.

Cependant, le chef des Métis s’était levé.

Jean-Baptiste La Ronde fit un signe, et la plus jeune de ses filles apporta sur la table une bouteille de rhum et des verres.

Alors, le vieux François ayant porté un toast