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présentations

aux « Franças de France », une dizaine de voix de tous les timbres jaillirent des poitrines…

Soudaine, irrésistible, une émotion serra la gorge du jeune homme : mille choses confuses se levèrent en lui et le troublèrent jusqu’au fond de l’être… Il la sentait, en ce moment, si vibrante, si proche de la grande patrie, cette petite France de la Saskatchewan !

Après un court silence, il retrouva la voix :

— Au nom des Français du vieux pays, dit-il, je lève mon verre aux Bois-Brûlés, à leur vaillant chef et surtout au triomphe d’une juste cause pour laquelle je veux moi-même combattre !

— Monsieur, répliqua Riel d’un air exalté, je n’attendais pas moins de vous. Merci. J’ai confiance en Dieu. C’est son esprit qui me guide. Que sa volonté soit faite !

Il reprit son manteau.

De chaudes poignées de mains furent échangées, et Riel sortit.

La porte était déjà refermée que les dernières paroles du chef métis semblaient vibrer encore par la salle. Comme pour en écouter l’écho au fond d’eux-mêmes, tous se taisaient.

François rompit le premier le silence :

— Eh ben, les gâs ! ça va donc être, les jours « cite », notre tour de faire jaser les fusils !

Pierre, l’aîné des fils, se dirigea vers le râtelier d’armes où reposaient les carabines Winchester.

Il en prit une dont il fit jouer le mécanisme.

— La guerre, ça me va ! grommelait-il.

Son physique semblait confirmer ces paroles. Il