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les arpents de neige

était de moyenne taille, vigoureusement bâti, avec une figure ramassée comme celle d’un Indien et que coupait à droite, de la tempe au menton, une longue cicatrice blanchâtre, très visible sur ce visage boucané. Une moustache courte et dure suivait la courbure de sa grande bouche aux lèvres arquées et violentes ; entre des sourcils noirs comme la chevelure épaisse et droite qui lui cachait les oreilles, se creusait un pli vertical et profond.

— Ils veulent la guerre. Ils l’auront ! répéta-t-il.

Tous, dans la salle, partageaient ce sentiment. Les injustices anglaises avaient réveillé l’instinct belliqueux qui sommeillait chez ces énergiques descendants des guerriers algonquins. Si Louis Riel et les chefs métis sentaient douloureusement combien cette guerre, qu’ils jugeaient nécessaire, pouvait être funeste à leur peuple, la masse instinctive et simple des Bois-Brûlés se réjouissait d’une solution qui lui apparaissait comme la seule efficace, la seule naturelle…

L’heure du repas arrivé, la vue de la place toujours vide du second des fils suscita mille réflexions. Au fond, chacun commençait à s’étonner de ce retard, et la mère, une grande femme un peu blême qui ne menait pas grand bruit, s’en inquiétait secrètement.

Jean La Ronde était parti en traîneau à chiens, seize jours auparavant, pour aller livrer des pelleteries à un trafiquant de Saint-Paul, à quelque trois cents milles de Batoche, sur la branche nord de la Saskatchewan.

On avait compté absolument sur son retour, la