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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/261

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XXIII
heures de trêve

La nuit s’était écoulée sans alerte.

Sur le théâtre de la lutte, le jour se leva, paisible et beau comme la veille, et il semblait que, d’un côté comme de l’autre, on hésitât à troubler la claire sérénité de ce matin de printemps. Seuls, entre les deux camps, un certain nombre de cadavres qu’on n’avait pu enlever attestaient, ainsi que les cendres et les buissons qui se dressaient à demi carbonisés aux abords du bois, les fureurs de la veille. Mais, sur les positions canadiennes comme sur celles des Métis régnait un calme que décelaient des fumées légères montant droites dans l’air bleu. Profitant de cette sorte de trêve, les soldats de la Puissance, oublieux de leur insuccès, préparaient tranquillement leur thé, ouvraient leurs boîtes de conserves et de « cakes », en un mot s’occupaient activement de parer aux robustes exigences de leurs estomacs anglo-saxons.

Leur situation ne laissait cependant pas d’être assez critique. Le feu ayant cessé vers minuit sans que ses troupes eussent marqué le moindre avantage, le général Middleton avait aussitôt envoyé lord Malgund à la station télégraphique de Humboldt pour transmettre au gouvernement avis de l’état des choses et presser l’envoi des renforts.