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présentations

veille, vers midi. Mais les heures s’étaient écoulées, et la nuit même n’avait pas ramené l’absent.

Certes, il était adroit, vigoureux et entraîné aux plus rudes aventures, ce jeune descendant des guerriers indiens. Mais, par ce temps d’insécurité, dans ce grand pays que l’hiver faisait plus désert que jamais, avec les loups qui rôdaient en bandes affamées, les tourmentes de neige qui, parfois encore, sévissaient, les pires suppositions étaient possibles.

Assurément, il n’y avait plus à compter sur lui ce soir-là, car il était trop avisé pour avoir commis la folie de s’embarquer, après le coucher du soleil, sur le chemin dangereux de Battleford à Batoche. On supposait un arrêt quelque part à un relais ou dans une ferme écartée, et l’on ne voulait pas douter que le lendemain, dans la matinée, il aurait rallié la maison.

Déjà, le vieux François proposait de songer au repos, lorsque des jappements lointains se firent entendre au dehors.

— Le voici ! s’écria la mère.

Le bruit se rapprocha graduellement. Bientôt une voix d’homme se mêla aux cris des animaux. On reconnut la voix de Jean.

— C’est égal, observa Pierre, l’homme à la cicatrice, faut « avouère de la folie à gouèche », pour traverser en traîneau, à l’heure qu’il est, la passe du Rat musqué…

On tira les barres, mais le cadet cria qu’il allait remiser son attelage, et ce fut seulement un instant après qu’il pénétra dans la maison.

Une fois débarrassé du lourd capot de laine grise