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vers batoche

minus de la ligne ferrée, pour les bords de la Saskatchewan.

Maintenant elle remontait vers le Nord, traînant après elle les sept cent quarante-cinq fourgons légers que la Compagnie de la baie d’Hudson et la ferme du major Bell avaient mis à la disposition de son chef, car le pays était sans ressources, et il avait fallu tout emporter, jusqu’aux fourrages.

Dans sa marche à travers l’immense prairie neigeuse et triste, aux ondulations à peine sensibles, semée çà et là de bouquets de peupliers et constellée de grandes mares, ce long convoi militaire avait quelque chose d’un peu lugubre, poussé sous ce ciel terne par un grand vent glacial. Les hommes, transis, avançaient sans grand courage, et les officiers eux-mêmes demeuraient mornes.

— Cette après-midi-là, pourtant — depuis quatre jours on avait quitté Qu’Appelle — il arriva qu’après une violente tourmente de neige un pâle soleil se prit à luire. C’était la première fois depuis longtemps, sans doute ; ce rayon incertain suffit à délier les langues et à dérider les faces.

— Edward, dit gaiement un petit lieutenant de carabiniers alerte et sec à l’un de ses compagnons d’armes, Edward, voici que le ciel devient comme votre figure quand vous voyez miss Clamorgan.

— Laissez donc, Charlie ! répondit non sans impatience l’interpellé, un garçon de belle taille, blond et presque imberbe. Je vous assure que je n’ai pas le cœur à la plaisanterie en ce moment.

Un peu piqué par l’accueil fait à sa gaieté, l’autre redevint grave :