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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/364

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les dernières heures de riel

chir. À l’heure où ils me conduiront à l’échafaud, je faiblirai moins que jamais, et je leur suis infiniment reconnaissant de me délivrer de cette dure captivité qui pèse sur moi[1].

Il se tourna vers la petite table. Il y avait là des plumes, de l’encre et du papier. Alors, d’une voix où tremblait pourtant quelque chose :

— J’ai encore, mon Père, certaines dispositions à prendre qui ont rapport à mes intérêts terrestres et surtout à mes affections…

Il se tut, l’œil perdu dans un rêve… Le religieux comprit qu’il songeait à sa femme, à ses deux enfants :

— Soyez fort ! dit-il. Je vais prier pour vous.

Louis Riel secoua doucement la tête comme pour chasser une idée obsédante :

— Que la volonté de Dieu soit faite ! murmura-t-il.

Et il s’assit à sa table.

Il écrivit longtemps. Les heures passaient… Enfin, il se leva, remit toutes ses lettres au P. André avec quelques renseignements et ajouta :

— Maintenant, mon Père, je ne veux plus parler avec vous que de l’autre vie…

Assis en face l’un de l’autre, ils s’entretinrent exclusivement de sujets spirituels. Quand la nuit tira sur sa fin, ils mirent pourtant un terme à ces propos, l’un pour dire la messe, l’autre pour y assister et communier.

À 6 heures, Louis Riel fit ses ablutions et pro-

  1. Historique (Lettre du P. André sur la mort de Riel).