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III
l’attaque du fort-pitt

L’après-midi même du jour où le Métis orcadien quitta le camp anglais à destination de la ferme Clamorgan, miss Elsie, seule dans la grande salle à manger, s’amusait à feuilleter les nombreux « magazines » qu’elle faisait venir chaque mois des grandes villes de l’Est. Et c’était là une distraction de choix pour cette fille de vingt ans qui vivait en marge de la civilisation depuis l’enfance.

Il y avait juste onze années que son père était possesseur, sur la rive gauche de la Saskatchewan du Nord, de plusieurs centaines d’acres, jadis portion de la prairie, mais convertis par lui en champs immenses et féconds où une mer de céréales roulait, chaque été, sous les brises… C’était vraiment une ferme prospère, et il eût fallu des événements bien graves pour obliger cet Anglais audacieux et tenace à abandonner un pareil établissement.

Grand, sec, impassible, nez court et grosse moustache, Hughes Clamorgan, anglo-saxon de pure race et cadet de famille, était un type parfait de gentleman roux d’outre-Manche. Au moral comme au physique, il avait la dent longue. Au reste, une énergie et une persévérance à toute épreuve assuraient généralement le succès à ses entreprises. Trois sentiments se partageaient son cœur : l’amour