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l’attaque du fort-pitt

des affaires, son affection pour sa fille, le culte de la Reine symbolisant l’Angleterre. Hormis cela, tout lui était à peu près indifférent : il estimait les Anglo-Canadiens fort inférieurs aux gens de la métropole : les descendants des Français lui semblaient tout à fait négligeables ; quant aux Métis, ils étaient, à ses yeux, d’une race dont il n’y avait pas lieu de faire le moindre état.

Pour cette raison, il n’avait tout d’abord accordé qu’une importance médiocre à un soulèvement qui ne laissait pas d’inquiéter les autres colons : simple mutinerie, disait-il, dont la police montée aurait promptement raison. Les faits démentirent brutalement cette opinion optimiste : l’évacuation de Carlton, la retraite précipitée du colonel Irvine sur Prince-Albert, commencèrent à troubler son flegme : ne fallait-il pas que les demi-blancs fussent fous pour prendre de pareilles libertés vis-à-vis des troupes du Gouvernement ? Il est vrai que celles-ci faisaient mal leur devoir, et, en bon Anglais pure race, il se consolait à songer que, dans la vieille Angleterre, on eût mis un terme à de pareils abus dans les vingt-quatre heures.

Quant à une révolte de Peaux-Rouges, il se refusait encore à y croire. Il avait en profond mépris les indigènes, qu’il tenait pour des paresseux et des voleurs capables, sans doute, d’un mauvais coup dans l’ombre, mais assurément trop lâches pour tenir tête à une poignée de soldats de la police montée. Il avait autrefois, à plusieurs reprises, loué pour la moisson les services de quelques Indiens d’une réserve voisine, et il ne se faisait pas faute