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l’attaque du fort-pitt

que la jeune fille intriguée, presque inquiète, abandonnant ses magazines, sortit.

Dans la cour, un vieux serviteur parlementait avec un Indien, un adolescent d’une quinzaine d’années, monté sur un poney efflanqué.

Il tenait à la main quelque chose comme une lettre qu’il agitait en parlant et dont il ne semblait nullement disposé à se dessaisir. À peine eut-il aperçu miss Clamorgan debout sur le seuil, fort étonnée de son manège, qu’il leva la main et poussa vers elle sa monture :

— Qui vous envoie ? demanda-t-elle en prenant d’un geste presque machinal le papier qu’on lui tendait.

Mais la question resta sans réponse. Déjà, le cavalier avait tourné bride et s’enfuyait au galop vers la « fence », la clôture en tronc d’arbres ou en fil de fer qui entoure toute habitation canadienne.

Quand il eut disparu, miss Elsie haussa les épaules avec humeur et, les lèvres dédaigneuses, retourna un instant entre ses doigts ce papier crasseux.

Sur le dessus, son nom s’étalait en une grosse écriture inexpérimentée. Elle se décida alors à l’ouvrir et prit connaissance de ces deux lignes d’avertissement que son fiancé devait lire cinq jours après elle. Pas de signature. L’écriture, comme celle de l’adresse, était lourde, mal assurée. D’où venait cet avis ? Un piège peut-être ? Elle se méfiait des Indiens en général et, tout particulièrement, de ce jeune messager qui avait disparu sans un mot d’éclaircissement. Elle interrogea le vieux serviteur,