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l’attaque du fort-pitt

Elle s’avança vivement. Un étranger était là, en effet, appuyé d’une main au mur, très pâle, la tête entourée d’un mouchoir taché de rouge. Du sang coagulé lui rayait horriblement les joues. Une jeune servante lui avança une chaise. Il s’y laissa tomber avec accablement.

— À boire ! gémit-il.

Et, apercevant miss Clamorgan qui s’apprêtait à le questionner :

— Ah ! miss, quelle terrible chose !

— Qu’y a-t-il donc ? Qui vous a mis dans cet état ?

— Eux… les Indiens… Je viens de Frog-Lake… Ils ont tout brûlé… Je n’en puis plus… j’ai soif !

On lui présenta un verre d’eau. Il le but avec une avidité telle que l’on entendit dans sa gorge le glou-glou du liquide.

Quant il l’eut absorbé, il poussa un grand soupir rauque de contentement :

— Ah ! miss, quelle soif j’avais ! C’est cette maudite écorchure, voyez-vous…

Il désignait son bandeau maculé de sang.

À ce moment même, la porte de la salle voisine s’ouvrit :

— Qu’y a-t-il ?

Et le fermier s’avança :

— Un homme blessé ?

— Oui, mon père, expliqua fébrilement la jeune fille. Il vient de Frog-Lake… Les Indiens ont surpris le village… Tout est massacré.

Des exclamations retentirent. Seul, Hughes Clamorgan gardait le silence.