Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
les arpents de neige

— Nous possédons encore cent dix cartouches, déclara-t-il à voix très haute. C’est-à-dire à peine de quoi résister à un nouvel assaut comme celui de ce matin.

Un silence mortel accueillit ces paroles. Une même question hantait tous les esprits : qu’allait-on faire ?

Mais l’inspecteur Dickens était un homme de décision et de ressources.

Après un court instant de réflexion, il reprit :

— Je crois qu’il ne nous reste plus, mes amis, qu’un parti à envisager : celui d’évacuer le poste. Nous avons une chaloupe amarrée derrière le fort, dans une crique de la rivière. Elle est trop petite pour contenir tout le monde, il est vrai. Mais ne pourrions-nous pas construire un radeau qu’elle remorquerait ? Nous avons ici des haches, du bois, des cordes, tout ce qu’il faut pour cela. Quant à la bonne volonté, elle ne fera défaut à personne, je pense. Il y va de nos vies. Que les non-combattants se mettent à l’œuvre. Là est, je crois, notre seule chance de salut.

Une salve de hourras accueillit ses paroles. Une escouade d’hommes et presque toutes les femmes, parmi lesquelles miss Elsie, se mirent à la disposition de l’inspecteur pour réaliser le projet proposé, tandis que les possesseurs d’armes retournaient veiller aux palissades.

La matinée s’acheva sans que rien vînt troubler la solitude de la prairie. On épuisait les hypothèses. Les uns opinaient que les Peaux-Rouges étaient allés piller les fermes abandonnées, et les autres, que le Grand-Ours, chef avisé et admira-