Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
l’attaque du fort-pitt

blement renseigné par ses espions, était au courant de la situation précaire des assiégés et attendait le moment où la famine lui livrerait la petite garnison. D’aucuns inclinaient même à penser avec Dickens que l’assaut du matin avait eu surtout pour but de diminuer les munitions des défenseurs du fort.

L’après-midi s’écoula comme la matinée, sans incident.

Peu après le coucher du soleil, Hughes Clamorgan, ayant gagné le chantier où ne retentissaient plus les haches des travailleurs, apprit de sa fille que le radeau était prêt. On attendait seulement que le jour eût baissé pour le mettre à l’eau.

Cependant, le froid des soirs d’avril canadiens commençait à se faire durement sentir. Sur l’ordre du commandant, un soldat gagna avec une échelle le toit d’une des bâtisses et inspecta soigneusement les environs. Déjà, le crépuscule commençait à embrumer la prairie, mais, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, on n’apercevait pas un être vivant. L’homme redescendit.

Les assiégés se reprenaient à espérer. À la tombée de la nuit, Hughes Clamorgan et sa fille entendirent qu’on traînait le radeau à l’aide de cordes sur la pente inclinée de la rivière.

Vingt minutes après, les ténèbres étaient complètement venues.

L’inspecteur réunit les réfugiés. L’instant était grave. Aussi, fut-ce dans un profond silence que, d’une voix assourdie à dessein, il laissa tomber ces mots :

— La minute est venue, mes amis, d’où dépend