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l’attaque du fort-pitt

— Les voilà ! crièrent des voix de femmes terrorisées. Nous sommes perdus !

Quelques-unes s’évanouirent dans les bras de leurs maris. Des enfants se mirent à pleurer.

— Silence ! commanda Dickens. Les Indiens ne nous ont pas encore aperçus… All right ! On entendait par moments, quand les cris diminuaient d’intensité, de grands coups sourds et des craquements secs.

Évidemment, les Peaux-Rouges brisaient à coups de hache les palissades. Cela dura quelques minutes, au bout desquelles une lueur intermittente commença à s’apercevoir.

— Ah ! voilà qu’ils mettent le feu au fort ! s’écria miss Clamorgan en serrant convulsivement la main de son père.

Une flamme vacillante et fumeuse ne tarda pas, en effet, à s’élever, et, attisée par les incendiaires, elle monta et se propagea de telle sorte qu’en un instant elle eut poussé sa lueur rougeâtre jusque sur les eaux. La chaloupe et le radeau qui s’éloignaient lentement ne pouvaient désormais espérer d’échapper à ce cercle de lumière agrandi sans cesse. Bientôt, en effet, ils apparurent ; lourds de leur cargaison humaine, dans une clarté soudaine et sinistre, sur une rivière qui semblait de feu.

Un redoublement de vociférations annonça aux fugitifs qu’ils étaient découverts :

— À vos fusils ! cria Dickens. Et surveillez les rives !

Le conseil était bon. Deux minutes ne s’étaient pas écoulées que des craquements secs crépitaient