Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
les arpents de neige

velures noires et tombantes tressées en cadenette, et ils passaient à jouer aux cartes et à fumer des pipes tout le temps qu’ils n’employaient pas à explorer sur leurs vigoureux petits « broncos » les deux rives de la Saskatchewan.

Riel avait aussi rappelé la bande qui, sous la conduite de Gabriel Dumont, opérait, non sans succès, contre la police montée, du côté de Battleford.

Les membres de la famille La Ronde restés à Batoche attendaient donc incessamment le retour de Vallonges et des deux fils aînés qui faisaient justement partie du contingent. Mais seuls, Pierre et le Français devaient reparaître au village, Jean La Ronde ayant disparu la veille au matin dans des circonstances étranges qui avaient laissé Henry perplexe.

La nouvelle de la destruction du Frog-Lake, le 31 mars au soir, et de la marche des Cris sur le Fort-Pitt, leur était parvenue au moment où ils levaient le camp. Le Français, qui se trouvait près de Jean au moment où Pierre venait de leur transmettre cette nouvelle, remarqua bien l’émotion qu’elle produisait sur le fils cadet de son hôte ; toutefois, le jeune homme gardant le silence, par discrétion il ne le questionna pas.

Seulement, l’heure du départ venue, il constata son absence. Intrigué, le Français interrogea Pierre à ce sujet, mais celui-ci, d’un air sombre, haussa les épaules :

— Ah ! je ne veux pas « savouère » ce qu’il est devenu. C’est un homme qui n’a pas le cœur d’un Bouais-Brûlé !