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les arpents de neige

doigt tendu, sais-tu où il était ? Au Fort-Pitt ! Oui, au Fort-Pitt… avec les Anglouais… un Bouais-Brûlé !

— Menteur ! riposta Jean exaspéré… J’étais en mêle les Cris… Et puis, d’abord, ça ne r’garde personne !

— Mais ça me r’garde, moué ! dit à son tour Baptiste La Ronde qui s’était avancé. M’expliqueras-tu cette « averdingle » (fredaine) ?

En dépit de son extrême excitation, le cadet dut consentir à donner des éclaircissements. Il reprit donc le récit fait un instant avant à son aîné : il s’était tout simplement rendu au Fort-Pitt après la destruction de Frog-Lake, dans l’espoir d’arracher quelques victimes aux sauvages si le poste était enlevé par eux…

Comme la première fois, Pierre accueillit cette explication par un haussement d’épaules accentué d’un insolent ricanement : une pareille histoire lui semblait stupide. Évidemment, son frère avait eu un autre but en se rendant au Fort-Pitt. Mais lequel ? Il semblait, depuis quelque temps, porter un intérêt si singulier aux Anglais ! Que se passait-il ? Un soupçon affreux commençait à envahir le jeune Métis ; il le repoussait : le soupçon était là pourtant, et, sous l’empire de la colère, ses propos tout à l’heure l’avaient presque trahi…

Le père, cependant, poursuivant ses questions, demandait à son cadet des détails plus précis.

Cette fois, Jean sentit un singulier malaise l’envahir… Il ne pouvait parler de Hughes Clamorgan et moins encore de sa fille. Cette aventure, où ses