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le chef des éclaireurs

il eut appris dans quelles circonstances le colon anglais et sa fille étaient tombés entre les mains de ses compatriotes, il laissa échapper un soupir de soulagement, et la nouvelle de leur présence à Batoche même l’emplit d’une sourde joie, dont le reflet fugitif passa dans ses yeux. Cet éclair n’échappa pas à son interlocuteur, clairvoyant par nature. Toutefois, il n’en laissa rien voir et continua tranquillement.

— Tu comprends que je n’ai pas cru une minute aux contes des deux Anglouais. À « toué » de me faire connaître la vérité à c’te heure.

Un peu perplexe, Jean hésita. Mais, comme l’autre fixait sur lui ses prunelles noires et perçantes, il le regarda à son tour en face.

— Eh bien, non ! déclara-t-il. Ces « gensses-là » ne t’ont point fait de menteries. C’est moué qui leur avais donné ma cavale !

— Ouais !

— Comme j’te le dis…

— Mais, questionna Lacroix, franchement là ! Quelle était ton idée ?

La Ronde reprit le récit de son aventure à peu près dans les termes dont il s’était servi pour son père. Pourtant, comme son interlocuteur, plus exigeant, ne semblait pas trouver bien claires les raisons de sa présence au Fort-Pitt et l’interrogeait avec insistance, il s’impatienta.

— J’ai pas autre chose à te conter, Lacroix. Maintenant, je vas mettre ma cavale à couvert. Bonsoir !

Comprenant qu’il n’avait plus rien, en fait