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les arpents de neige

d’éclaircissements, à espérer du jeune homme, Lacroix fit un demi-tour et regagna l’endroit où il avait laissé l’aîné des La Ronde.

Dès que celui-ci l’aperçut, il s’avança, et, avec une hâte qu’il ne cherchait pas à dissimuler :

— Eh bien ! le fin mot de l’affaire ?

L’autre secoua la tête.

— C’est une chose que je ne comprends quasiment pas, Pierre ! Tout de même…

— Tout de même ?

— J’ai doutance qu’y a des « manigances » de femme là-dessous…

Et, comme le jeune homme esquissait un geste d’étonnement :

— Mais si !… mais si… Écoute !

Après lui avoir rapporté point par point sa conversation avec Jean, sans omettre de parler de l’émotion et des hésitations qu’il avait remarquées chez le cadet des La Ronde, il ajouta, faisant allusion à miss Elsie :

— La fille a de l’agrément, c’est sûr… Pt’être ben que ton frère la trouve à son idée.

Cette hypothèse, un peu timidement hasardée, d’ailleurs, parut des plus invraisemblables à Pierre. Bien qu’il tînt généralement en médiocre estime les goûts de son frère, il ne pensait pas qu’il pût éprouver le moindre sentiment pour une Anglaise, une hérétique, quand il y avait parmi les Bois-Brûlés et à Batoche même tant de filles gracieuses et séduisantes élevées dans les principes de vérité… Et puis, où son cadet aurait-il connu cette femme avant de la sauver des Cris près du Fort-Pitt ?