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le chef des éclaireurs

Non, décidément, c’était une chose tout à fait impossible. Il était allé au Fort-Pitt pour une autre raison…

— Pour laquelle alors ? demanda brusquement Lacroix en fixant son interlocuteur.

Pierre hésitait à répondre.

— T’as une idée, Pierre… Faut la dire franchement.

Au moment de porter sur l’un des siens une accusation aussi grave, le jeune Métis, si vindicatif qu’il fût, ne trouvait plus le ressentiment assez vif, en lui, pour surmonter la répugnance d’un tel aveu. Il se bornait à répéter d’un air embarrassé :

— Oui…, oui… j’ai une idée…

Joseph Lacroix lui vint en aide.

— P’têtre ben que j’ai deviné, dit-il. Ainsi, tu crois ton frère capable de…

— Écoute ! interrompit précipitamment l’aîné des La Ronde, je n’avancerai pas qu’il… trahit, mais sûrement qu’il n’est plus sur la bonne piste. Il n’a jamais été franchement de notre bord. Il blâme cette guerre et, dans le fond, il blâme Louis Riel… Pour tout dire, il n’a jamais eu le cœur d’un Bouais-Brûlé… Et v’là qu’il s’acoquine avec des Anglouais. Ah ! j’ai doutance que ça finira mal.

Lacroix, tout en l’écoutant, avait tiré sa pipe de sa poche. Un objet rougeâtre en glissa qui tomba sur la neige.

— Ton chapelet, dit Pierre en le ramassant.

L’autre lui présenta du tabac :

— As-tu « faim de fumer » ?

Mais La Ronde, l’ayant remercié d’un geste,