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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/88

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le chef des éclaireurs

Il les regrettait maintenant, mais il était trop tard, et Pierre, après deux ou trois mots quelconques, prétextant qu’on l’attendait à la maison, lui serra la main et s’éloigna.

Lacroix demeura un moment songeur à la même place, le regardant s’en aller de son pas souple. Enfin, avec un petit claquement de langue en signe de contrariété, il tourna bride et disparut derrière les maisons.

C’était justement l’heure où prenait fin le Conseil des chefs Métis, de l’« Exovidat », ainsi que l’avait baptisé Louis Riel, qui avait pris lui-même le titre d’Exovide.

En compagnie du vieux François La Ronde et de son fils, Henry de Vallonges quittait les bâtiments du quartier général encore tout à l’impression profonde que cette séance lui avait laissée. Il revoyait en esprit la salle aux murs nus, à peine meublée d’un poêle et d’une table, où siégeaient les chefs Métis, presque tous des hommes de belle taille qui, sauf le bistre de leur teint, ne rappelaient guère, en général, leur filiation indienne.

Ils gardaient toutefois cette attitude grave, digne, calme, qui devrait être de règle chez tous les peuples à l’heure des délibérations importantes et qui n’était, hélas ! chez ces descendants de Français, que l’héritage exclusif de leurs ancêtres rouges, les sachems indiens.

Au milieu de tous, Louis Riel, avec sa face tour à tour souffrante et inspirée comme celle d’un prophète, ses yeux à la fois profonds et brillants, l’autorité de sa parole chaude, vibrante, imagée, lui