Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/111

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Les rouelles de veau dans un jus roux où naviguaient des oignons de faible taille, très revenus dans le beurre, les gigots de mouton sans ail, suivant la mode normande, les abattis de poulets en ragoût dans des plats énormes destinés à la domesticité, se disputaient les profondeurs du four.

Mais le plus beau spectacle culinaire était donné dans la pièce voisine dont la cheminée avait conservé son immensité.

Sur deux tourne-broche monumentaux, mus par un mouvement d’horlogerie puissant, restauré pour la circonstance par Trouillard, les dindes, les canards, les poulets, les cuissots du chevreuil offert par Giraud, tournaient lentement devant le feu clair des troncs de sapin fendus en quatre.

La flamme pétillait avec de petites détonations partielles, les peaux de bêtes sacrifiées prenaient une belle couleur, tandis que s’épandaient alentour de délicieux effluves.

Le petit gardeur d’oies, Bourguel, jetait de temps à autres quelques bûches nouvelles dans la fournaise et les pétillements, les détonations redoublaient, tandis que le gamin trempait dans la bonne sauce qui s’échappait des poulets ou dans celle que laissaient couler les cuissots un croûton de pain bis qu’il grignotait ensuite, la tête enfouie sous sa blouse.

— Qui que tu fais, gâs, sous ton cotillon ? interrogeait la cuisinière.

— Mais rien du tout.

La bonne femme, peu dupe de son mensonge, s’écriait :

— En v’là un goulu.

Au grand tumulte de l’arrivée, clameurs joyeuses, jurons des hommes rentrant les chevaux dans les écuries, succéda un grand silence. La noce entière s’était engouffrée dans la grange transformée en salle à manger.

La décoration était très simple mais coquette à l’œil.

Comme tentures, des draps d’une blancheur éblouissante dont les lignes d’union étaient masquées par des guirlandes de lierre piquées pas des fleurs aux couleurs vives collectionnées chez un horticulteur d’Evreux, dont les serres sont fort prisées par les habitants de cette ville : camélias, géraniums vulgaires et doubles, pétunias hâtifs, roses surchauffées,