Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/148

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doyer un tant soit peu normand, il avait tenté son panégyrique :

« Sans doute il avait eu tort de venir à l’affût dans le but de tuer un lapin, un pauvre petit lapin, rien qu’un bien sûr.

» Il y en a tant, dans la forêt, mon bon saint Marc, tant qu’un de plus, un de moins, ça ne paraît pas. Et puis ça fait tant de dégâts dans les champs du pauvre monde que ce serait péché que de ne pas les détruire.

» Ah ! je comprendrais qu’on se montrât sévère avec Lanfuiné ou Tâcheux qui ne vivent que de ça. C’est un cerf aujourd’hui, c’est une biche demain.

» Et pourtant on m’a arrêté, on va me traîner devant le tribunal, à Bernay, moi qui suis, ainsi que vous pouvez vous en rendre compte en m’écoutant, le moins coupable de tous. »

Mais saint Marc, très occupé sans doute, n’entendit point le pauvre hère.

Mathieu s’en plaignît au tribunal.

— Figurez-vous, mes bons juges, que j’ai expliqué mon affaire à saint Marc, comme à vous, p’t’êt’e mieux, car nous nous connaissons depuis bien plus de temps. Je pensais qu’il me sauverait ; car c’est un saint qu’a jamais refusé rien à personne dans la contrée.

Le président un tant soit peu loustic l’interrompit :

— Vous vous êtes trompé d’adresse, mon brave. La chasse ne concerne pas saint Marc, mais bien saint Hubert.

Cette plaisanterie et même la condamnation qui la suivit de près ne lui enlevèrent point l’estime qu’il professait pour son saint, lequel s’abritait en une niche disposée dans le mur d’une petite chapelle.

Les cultivateurs, les bourgeois, les braconniers, et même les nobles venaient rendre au sanctuaire de nombreuses visites intéressées, ou du moins qui pouvaient paraître telles ; car, si on lui apportait quelques présents, on lui en demandait le paiement à usure immédiat.

Les uns avaient besoin de son appui pour gagner un procès, les autres pour se débarrasser d’infirmités réputées incurables par les praticiens.